Apple cores

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Apple cores

James Brandon Lewis Trio

Anti, 2025

 

15 ans après ses débuts discographiques, le saxophoniste américain James Brandon Lewis publie Apple cores. Au sein d’un trio de choc, il puise au large spectre de la Great Black Music pour proposer sa vision du jazz d’aujourd’hui. Un album intense et engagé qui devrait faire date.

À l’écoute de cet enregistrement, on est d’abord saisi par l’énergie qui s’en dégage. James Brandon Lewis est ici à la tête d’un vrai power trio (avec Josh Werner à la basse/guitare électrique et Chad Taylor à la batterie) qui cueille l’auditeur sans prendre de pincettes. De son saxophone, il tire un son ample et puissant qui le place d’emblée dans la lignée des grands ténors de l’histoire du jazz. On y entend la spiritualité de John Coltrane, le jeu instinctif d’Albert Ayler ou les envolées altermondialistes de Gato Barbieri. Sans oublier la force tranquille de Sonny Rollins, lequel l’a d’ailleurs adoubé en termes plus qu’élogieux : « Tu maintiens l’équilibre du monde ».

Sur les épaules des géants du saxophone

Aucune volonté d’imitation ou de retour dans le passé cependant. Le jazz de James Brandon Lewis ressemble à une synthèse très actuelle de toutes les musiques afro-américaines : le gospel – une évidence pour ce fils de pasteur, le blues toujours sous-jacent, le funk et le hip-hop auquel il emprunte souvent les rythmes, le reggae/dub qui surgit parfois par le biais de la basse, jusqu’à l’Afrique originelle qu’une mbira du Zimbabwe invite discrètement sur le morceau « Prince Eugene ».

Un disque dédié à Amiri Baraka et Don Cherry

James Brandon Lewis est donc un musicien ancré dans son histoire et ouvert sur le monde, comme en témoignent les deux figures dédicataires de l’album. D’une part le poète, essayiste et militant afro-américain Amiri Baraka, qui publia des chroniques dans la revue musicale Downbeat sous le titre « Apple cores » ; de l’autre le multi-instrumentiste Don Cherry, chantre d’un jazz sans frontières dès les années 60. Si sa musique n’est pas reprise ici, son esprit semble avoir guidé la conception du disque. Les connaisseurs s’amuseront à retrouver les clins d’œil à sa vie dans les différents titres de pistes.

Un musicien en mission

Nul besoin toutefois d’une vaste culture jazz pour ressentir l’urgence et la force d’une musique porteuse d’un message de lutte et d’émancipation hélas toujours d’actualité. Entre deux improvisations incandescentes, James Brandon Lewis sait aussi ménager des instants apaisés (« Of mind and feeling »), comme une brève évocation d’un temps futur où la douceur sera de mise. En attendant, son but n’est pas de plaire mais de frapper l’auditeur. Mission accomplie, et de quelle manière !

Jérôme, mai 2025

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Concert enregistré le 26 avril 2025 au Studio 104 de la Maison de la Radio & de la Musique à Paris :