Coups de cœur 2024 : électro
L’ambiance générale et le pessimisme collectif, à en écouter le brouhaha médiatique inspiré par l’état pré-apocalyptique de note bonne vieille Terre, n’empêche pas d’écouter de la musique. Même si les nations se préparent au pire et que la température grimpe, les musiques électroniques particulièrement, ont ce pouvoir d’évasion, elles permettent de s’échapper. Il suffit d’éteindre la lumière, de prendre le meilleur de 2024 et d’appuyer sur "play" !
In waves de Jamie XX
Rien en dix ans, depuis son dernier abum solo. Rien. Et puis en 2024 : In waves. Comme si l’ancien de The XX avait écouté toutes les bonnes sorties électro de la décennie pour nous les recracher en onze morceaux de grande qualité. Tel est cet album efficace, feel good disc si l’on peut dire, accessible mais pas trop, pour ne pas s’ennuyer, pointu pour tous. On l’écoutera où l’on veut mais surtout, on l’entendra un peu partout, sans que chacun ne reconnaisse forcément l’artiste, dans les salles de concert pour chauffer le public, dans les bars lounge, à la plage et même un jour au rayon yaourt du supermarché. Tel est le destin des plus grands.
Honey de Caribou
Concitoyen britannique de Jamie XX, Caribou livre un album qui s’écoute dans la foulée. Empreint de la même énergie créatrice quoiqu’un peu plus personnel, Honey se rapproche de la synthèse des influences de Caribou, de celles qui l’ont inspiré pour ses précédents albums, dont ceux qu’il a sorti sous son autre pseudonyme, Daphni. Ici les deux personnalités se rejoignent, c’est à se demander si le mieux n’aurait pas été d’utiliser son nom de naissance, Dan Snaith.
Cascade de Floating Points
Encore un Anglais. On a l’habitude des albums très sages de Floating Points, qui dévoilent en délicatesse des trouvailles électroniques produites à la perfection et qui nous entraînent alternativement dans l’introspection et la contemplation. Ce nouvel album, toujours aussi bien produit, suit une toute autre énergie, du moins dans sa première partie. Samuel Shepherd enlève son costume de luxe trop bien taillé mais dévoile un corps taillé pour la danse. La deuxième partie, plus calme, parfaitement construite, n’est qu’une préparation à la réécoute complète de l’album.
Rose fluo d’Irène Drésel
Irène Drésel voit la vie en rose fluo. Ça, on le savait déjà. Ce qu’on ne savait pas, c’est qu’elle s’implanterait autant dans le paysage électronique/techno français. Dire qu’on la suit à la médiathèque depuis ses débuts est peu dire ! On garde quand même notre sens critique mais force est de constater qu’Irène Drésel s’améliore à chaque sortie. Sa personnalité joyeuse teinte sa techno d’une lumière chaleureuse et donne naissance à un style qui n’existait tout simplement pas dans un paysage habituellement sombre. Elle ne fait pas pour autant de concession sur les aspects indus de sa musique, la répétitivité des sonorités passives-agressives se mêle à une bonne humeur communicative. C’est comme si Rodhad s’habillait de rose et distribuait des bonbons au piment dans une rave au cœur de l’été.
Twists de Kreidler
Kreidler est un constructeur allemand de mobylettes fondé en 1889 à Stuttgart, dont les modèles les plus polluants ont été interdits à la commercialisation en France en 2017.
Kreidler, c’est aussi le groupe fondé en 1994 à Düsseldorf, dans la même ville que Kraftwerk, avec qui le quatuor partage une certaine vision du krautrock : faire de la musique électronique hybride qui ressemble à tout sauf à du krautrock.
Vous ne saviez ni l’un ni l’autre ? Aucune importance, ce qu’il faut retenir, c’est ce nouvel album, après trente ans d’existence du groupe. On a parlé des Anglais, on a parlé d’une Française, et bien là on parle des Allemands. Et question musiques électroniques, comment dire, c’est allemand quoi. Les Allemands n’ont pas de complexes. Cliché ? Y a qu’à voir leur façon de porter des claquettes en chaussette. La musque de Kreidler aussi est sans complexes.
Le passage au XXe siècle comme de la télé à internet et du CD au streaming ne semble pas avoir eu beaucoup d’impact dans la formule primaire : un groove moelleux saupoudré de dub-kosmische (cosmique) dans ce qui ressemblerait à une mutation Frankenstein entre les Wailers et Cluster.
Dernier détail qui ajoute au génie de Kreidler : la pochette de l’album est horrible.
Moso de Makoto San
C’est l’histoire de quatre mecs qui sortent du conservatoire, spécialisés dans la musique ancestrale japonaise grâce à leur rencontre avec un maître : Makoto San. Les quatre mettent leur savoir et leur talent au service de la scène électro française. A l’aide d’instruments de musiques divers, tels que des bambous ou des matériaux de récupération qui servent de percussions, ils façonnent une autre french touch inspirée par Nicolas Jaar, Bonobo ou encore Moderat. Un son minimaliste entraînant.
Jérémy, janvier 2025