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Sélection 2022 soul, rap & reggae

Soul

Le cinquième album de Mamas Gun s'est immiscé dans notre tête au printemps et n'en est toujours pas ressorti. Porté par plusieurs titres irrésistibles, Cure the Jones privilégie les ballades mid-tempo aux influences 70s assumées. Marvin Gaye et Curtis Mayfield seraient sans doute fiers de compter cette formation anglaise parmi leurs rejetons.

Le son des années 70 irrigue encore de nombreuses productions actuelles. Les américains Monophonics en explorent le versant psychédélique sur Sage motel, album qui prend pour thème un établissement lié à la scène musicale de San Francisco, dont ils sont originaires.

Même excellent label, Colemine Records, même groove funky pour The Sure Fire Soul Ensemble, à ceci près que le groupe se consacre à un répertoire purement instrumental. Step down démontre toutefois que les paroles ne sont pas indispensables pour faire remuer les hanches !

Brooklyn to Brooklin des Scone Cash Players explore également une veine soul-jazz instrumentale (à l'exception des chœurs, très présents) que l'orgue Hammond de leur leader Adam Scone emmène de New York au Brésil en intégrant parfois des rythmes tropicaux.

Et que dire de Lee Fields, qui incarne littéralement cette soul américaine "vintage" dont les formations précédemment citées s’inspirent ? Passé sur le label Daptone pour enregistrer Sentimental fool, le jeune homme de 72 ans n'a rien perdu de sa ferveur ni de sa voix, qui lui ont valu d'être souvent comparé à James Brown.

Deux ans n'ont pas suffi à nous lasser du splendide Aloha et voilà que Son Little remet le couvert en publiant Like Neptune. Un nouvel album au charme peut-être moins immédiat que son prédécesseur mais dans lequel on retrouve avec plaisir la soul-pop mélancolique du Californien. Et qui se révèle plus riche à chaque écoute…

Au même rayon des confirmations, Fantastic Negrito explore ses origines dans un White Jesus, Black problems à l'image de son concepteur : énergique, fantasque et multiple. Le mélange de funk, blues et rock du chanteur-guitariste qui le caractérise évoque toujours le meilleur de Prince.

Hybride également, la musique du Londonien Obongjayar doit autant aux racines nigérianes de son auteur qu'aux sons électro-jazz-soul caractéristiques du creuset sonore qu'est devenue la capitale anglaise. Le chanteur balade sa voix légèrement voilée sur Some nights I dream of doors, un album touchant aux ambiances contrastées.

Mais la palme de l'éclectisme revient finalement à la chanteuse et violoniste américaine Sudan Archives pour son album Natural Brown prom queen. Poussant encore plus loin le bouchon d'une néo-soul alternative qui nous avait séduits sur Athena (2019), elle mixe des éléments soul, pop, folk, jazz, world, électro et rap pour un résultat étourdissant et très personnel.

 

Rap

Sur la scène rap internationale, l'année 2022 a surtout été marqué par le retour très attendu de Kendrick Lamar. Les fans auront dû patienter 5 ans avant de découvrir Mr. Morale & The Big Steppers, digne successeur de Damn. par son ambition et son ampleur musicale. On y découvre un Lamar quasi-mystique tentant d'échapper à la reproduction sociale et pointant les contradictions de la société américaine. Un grand disque de plus pour le Californien.

Du côté de Miami, Denzel Curry poursuit lui aussi une carrière remarquable. Moins sombre et musicalement plus varié que son précédent album, Melt my eyez, see your future est la porte d'entrée idéale dans la courte discographie d'un des meilleurs rappeurs/lyricists actuels.

La collaboration entre Danger Mouse & Black Thought était alléchante même si ces deux là n'ont plus grand-chose à prouver : la moitié de Gnarls Barkley et le co-fondateur de The Roots ont longtemps laissé le résultat de leur collaboration en dormance. Le voici enfin édité, avec ce qu'il faut de samples au cordeau et de rimes percutantes. Des invités de choix - dont le chanteur Michael Kiwanuka - achèvent de rendre indispensable l'écoute de Cheat codes.

Pas de sélection rap US sans au moins une production Mellow Music. Cette année, c'est le flow particulier de Namir Blade qui porte haut les couleurs du passionnant label de Tucson avec Metropolis, un concept-album dystopique enregistré dans son salon mais qui nous transporte loin dans l'espace et le temps.

N'allez pas croire que les Américains sont seuls au monde sur la planète rap : après Little Simz en 2021, Loyle Carner démontre avec brio que la scène britannique actuelle peut être captivante. D'une tonalité plutôt sombre, Hugo est un album à la fois introspectif et politique sur lequel l'association des textes de Carner et des productions de Kwes fait merveille.

 

Reggae

En une dizaine d’année, Hollie Cook s’est imposée comme la nouvelle reine londonienne du courant lovers rock. Le charme de sa voix sensuelle opère une fois encore sur Happy hour, un album qui, en dépit de son titre et de ses arrangements chatoyants, diffuse une douce mélancolie.

De l’autre côté de l’Atlantique, Groundation reste la référence californienne en matière de reggae roots contemporain. Comme un passage de témoin, One rock, album ouvert aux influences soul et jazz, voit Harrison Stafford et sa bande partager la vedette avec The Congos, The Abyssinians et Israel Vibration, quelques-uns de leurs glorieux aînés jamaïcains.

Clinton Fearon fait également partie de ces figures marquantes de l’âge d’or du reggae. L’ex-Gladiators n’a jamais quitté l’arène musicale et continue de porter la bonne parole via un reggae positif et engagé. Breaking news est le dernier en date d’une série d’albums de haut niveau.

Et que dire d’Horace Andy, chanteur à la voix si particulière et aux vies musicales multiples, surtout connu pour sa collaboration avec le groupe anglais Massive Attack ? Produit par Adrian Sherwood, Midnight scorchers est le passionnant remix d’un album sorti quelques mois auparavant, où le vibrato du Jamaïcain est sublimé par des arrangements dub foisonnants.

Véritable one-man band digital, Flox s’occupe de tout sur Square, un disque dont on guettait la sortie depuis 5 ans. Les promesses de Taste of grey s’épanouissent en un electro-dub vitaminé des plus grisants.

Jérôme, janvier 2023

 

 

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