Édouard Louis
Édouard Louis. Histoire de la violence
Seuil, 2016
Dans ce récit majoritairement autobiographique Édouard Louis revient sur une rencontre de passage ayant tragiquement dégénéré en viol sur sa personne, la nuit de Noël 2012. Ce soir-là, étudiant gay exilé à Paris, ayant terminé un premier livre qui va être publié, il revient à pied du réveillon qu’il a effectué avec ses deux plus proches amis. En traversant la place de la République, non loin de son studio, il est abordé par un jeune homme un peu plus âgé que lui, qui lui plaît… Les événements vont s’enchaîner, d’abord d’une façon heureuse, puis tragique. Dans son texte, l’écrivain part et revient en ordre non chronologique autour des souvenirs qu’il a gardés de cet événement : l’interaction qu’il a eue avec ce garçon, la situation d’abord agréable, son propre comportement avant et après le viol, le nettoyage maniaque, l’examen à l’hôpital, la trithérapie préventive, les hésitations qu’il a eues à porter plainte, le soutien de ses amis, la déposition, les relevés d’empreintes dans l’appartement…
Dans une volonté de restitution du langage populaire contemporain, il fait également intervenir la voix de sa sœur, rapportant les faits à son mari et apportant sa propre analyse de la situation.
œ la manière d’Annie Ernaux dans L’Événement par exemple, Édouard Louis, évoque ici une expérience traumatique intime dans une écriture distanciée, tout en témoignant sur l’époque et le cadre dans lequel le jeune homme s’inscrit : ici, la prise en charge hospitalière et judiciaire. En tant qu’intellectuel issu d’une classe sociale défavorisée et appartenant à la minorité gay, Édouard Louis est aussi sensible à la puissance du langage sur la réalité vécue, à la façon dont on peut être réduit à l’état d’objet, défini et jugé par le langage des autres, ce qu’il a vécu à plusieurs reprises lorsqu’il a dû faire part de son histoire. Il dit avoir écrit ce livre pour se réapproprier le vécu de cet événement, tout en réfléchissant aux conditionnements et circonstances entraînant la violence.
Sandrine